Tribulations Sauvages aux Quatre Coins du Monde
Dans la région du Cap Oriental, à proximité de Cradock et niché entre montagnes arides et hauts plateaux, le Parc National du Zèbre des Montagnes offre un terrain de jeu inépuisable pour qui parcourra les quelques 150 kilomètres de pistes disponibles pour les visiteurs.
Créé en 1950, le parc est né d’une volonté de sauver le zèbre des montagnes du Cap (Equus zebra zebra) alors au bord de l’extinction : seuls deux étalons sauvages subsistent sur le territoire. En dépit des craintes et grâce aux efforts menés par quelques acteurs locaux, la population augmente progressivement : les 25 individus en 1964 font place à 150 animaux en l’espace de 15 ans, ce qui a permis de réintroduire le zèbre des montagnes du Cap dans d’autres parcs.
Néanmoins, la diversité génétique limitée dûe aux trop faibles effectifs de départ reste un obstacle majeur à la mise en place d’une population saine suffisamment importante. Bien que l’espèce soit sauvée de l’extinction, moins de 1000 individus survivent aujourd’hui dans les différentes réserves sud-africaines.
La visite du célèbre Mountain Zebra National Park a donc de faux airs de chasse aux fantômes. Des fantômes pour le moins singuliers, vêtus de pyjamas rayés de noir et de blanc, une tâche roussâtre sur le museau.
Des fantômes qui n’hésitent pas à vaquer à leurs occupations au bord de la piste, accordant à peine un regard envers leurs admirateurs agglutinés aux fenêtres de leurs véhicules.
Leur quiétude ne semble troublée ni par la présence de pique-bœufs envahissants, ni par la tumultueuse cavalcade de quelques gnous affolés.
Rapidement, on remarque que les zèbres sont loin d’être les seuls habitants du coin. La faune sauvage est partout, présente au moindre détour de chemin. Quelques oryx solitaires flânent aux côtés des élands du Cap sous le couvert des arbres bordant la partie basse du parc.
Entre deux bosquets épineux, les grands koudous nous guettent d’un œil attentif.
Les springboks quant à eux, paissent sereinement parmi les nombreuses termitières qui jonchent le sol de la réserve.
Au loin, un groupe de damalisques à front blanc s’attarde sur les plateaux désertiques du parc.
Dénués d’arbres et dorés par une savane sèche, ces plateaux sont le domaine des grands troupeaux, mais aussi du messager sagittaire, toujours à l’affût de quelques insectes ou petits mammifères malchanceux qui croiseront sa route.
Plus loin, la crête nous offre une vue imprenable à 180 degrés, un spectacle sauvage sans cesse renouvelé. Malgré notre patience on ne verra pas, glissant entre les hautes herbes, la fine silhouette d’un guépard ou la crinière d’un lion. Peu importe, le paysage qui s’offre à nous est tout simplement sublime.
En contrebas, près du campement, les arbres refont leur apparition. De petits bosquets grignotés ça et là par les bubales roux.
Craintifs, ils gardent une oreille vigilante aux cris d’alerte des babouins chacma avec qui ils partagent ces pentes herbeuses.
La nonchalance de ces primates en ferait oublier leur caractère parfois lunatique. Une mimique de menace envers un congénère trop confiant laisse entrevoir les canines saillantes de la taille de celles d’un lion, de quoi imposer son statut de mâle dominant dans un groupe pouvant compter plusieurs centaines d’individus.
Un soleil d’or se couche sur le parc, le vacarme des vervets laisse place à un silence apaisant. Timide et discrète, l’équipe de nuit prend la relève. Les chacals illuminent la soirée de jappements plaintifs, bientôt interrompus par un son bien plus inquiétant. Du plus profond de la nuit, un rugissement monte dans la vallée, les lions sont venus.