Tribulations Sauvages aux Quatre Coins du Monde
« Si la Nouvelle-Zélande était un gâteau, les Marlborough Sounds en seraient la cerise. » peut-on lire dans le carnet de voyage d’une jeune aventurière savoyarde. Se pourrait-il que ce soit de nous ?
Quoi qu’il en soit cette description se suffit à elle-même, c’est du moins notre premier ressenti à la vue des paysages qu’offrent les Marlborough Sounds. La mer est ici un poulpe immense partant à l’assaut de l’île du Sud, ses longs bras ondulent en tous sens, sillonnant les collines vertes du Marlborough.
Et pour cause, selon la tradition orale de certaines tribus maories, ces reliefs aux formes alambiquées seraient le fruit du combat mené par Kupe, ancêtre originel venu de Polynésie, contre une pieuvre géante.
Tout au nord des Marlborough Sounds se trouve French Pass. Tel un col battu par les vents, la passe est un lieu hostile, des courants de plus de 8 nœuds balayent les 500 mètres qui séparent Durville Island du continent.
Au changement de marée, les courants sont si violents qu’ils peuvent assommer les poissons. Si aujourd’hui les bateaux à moteur permettent une traversée rapide et sans encombre, les premiers à avoir tenté l’expérience s’en sont parfois mordus les doigts.
L’exemple historique le plus connu est celui du navigateur et explorateur Jules Dumont d’Urville qui a depuis donné son nom à Durville Island. En 1827, l’amiral français entreprend la traversée à bord de l’Astrolabe. Rapidement le navire ne répond plus aux sollicitations du gouvernail et est projeté à deux reprises contre les hauts fonds de la passe. Par miracle la corvette de la marine française est rejetée par le courant dans Admirality Bay, sans dommage gravissime. D’Urville écrira dans ses mémoires que la complexité et la force des courants suggèrent que personne ne devrait tenter la traversée de French Pass.
C’est dans ce décor de carte postale que se trouve Titirangi, une baie oubliée, loin de la fureur du monde. Au bout de cette « gravel-road » idyllique dont les néo-zélandais ont le secret, une longue descente en lacets au milieu des troupeaux éparses offre un point de vue spectaculaire sur ce lieu qui restera dans nos cœurs.
Le cri des pukekos tire le voyageur d’un sommeil léger bercé par le clapot des vagues et le vent sifflant dans les tussocks de la côte. Les méliphages volent de flax en flax, « butinant » le nectar sucré de ces hautes plantes. Les wekas se chamaillent dans la soirée avant le retour au nid des manchots pygmées à grand renfort de cris nocturnes.
C’est ici, dans la baie reculée de Titirangi que nous avons eu la chance de croiser ce petit manchot bleu :
« Il est 19h30, alors que nous nous rendons sur la plage afin de rendre à la mer les coquilles des moules fraîchement ramassées, une ombre nous interpelle. A la limite des vagues, une petite masse sombre, à peine éclairée par un timide quartier de lune : le korora est venu.
Il semble aussi surpris que nous, tiraillé entre la fuite et la nécessité de rentrer au nid. Nous n’osons bouger, il est là, juste devant nous. Finalement, il s’avance, marque un arrêt, puis nous contourne rapidement et s’arrête à nouveau derrière nous.
Nous suivons lentement ce petit personnage en costume bleu à travers les tussocks de la côte. Il marque un nouvel arrêt et nous fixe longuement, il s’approche, lentement. Dans l’obscurité, nous sommes là, face à face, à un mètre seulement.
Qui observe qui ? Il quitte le sentier et disparaît sous les arbres, nous laissant avec notre casserole vide et des émotions plein la tête. »
Titirangi est une ode au monde sauvage, comme si en un seul endroit se retrouvait tout ce qui nous a attiré dans ce magnifique pays. Le calme, l’isolement, la plénitude. La vie semble suivre un autre rythme, les minutes deviennent des heures, les heures des journées, les journées des éternités.