Le Petit Prince du Sud

Fin de journée, le soleil se couche sur Curio Bay. Les derniers rayons effleurent les reliefs pétrifiés d’une forêt d’un autre âge. Les ombres s’étirent derrière les souches fossilisées, et rendent à l’endroit sa majesté d’antan.

Rien ne bouge, excepté une toute autre forêt, marine. Les kelps dansent au gré des vagues, comme les cheveux d’une sirène dans l’écume du Pacifique.

C’est dans ce décor qu’une ombre sort de l’eau. Discrète. Silencieuse ou presque. Seul un léger « flap flap » trahit sa présence. Dos arqué, les yeux rivés sur la roche glissante, elle avance, hésitante. D’un petit saut, elle évite une faille avant de contourner ce rocher. Une pause. Un coup d’œil aux alentours, puis la voilà repartie. La progression semble difficile sur cette côte découpée.

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Dans le soleil couchant elle s’ébroue et se sèche ; on distingue maintenant sa livrée blanche et noire et sa couronne dorée : le petit prince du sud est là.

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A la lisière de la forêt bordant la côte, une ombre jumelle apparaît et s’approche timidement. Retrouvailles. « Il » l’accueille, cou tendu vers le ciel. Les nageoires se frôlent, et du bout du bec, chaque plume est soigneusement lissée. Après quelques minutes, les voilà repartis sous le couvert des arbres ; les deux ombres s’enlacent et disparaissent avec les dernières lueurs du jour.

Cet instant privilégié évoque notre première rencontre avec « Hoiho », petit prince du sud.

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Hoiho est le nom Maori donné au manchot antipode (Megadyptes antipodes). Avec un effectif ne dépassant pas les 5000 individus, ce manchot endémique de Nouvelle Zélande est l’une des espèces de manchot les plus rares au monde. Il est présent sur la côte sud-est de l’île du sud, Stewart Island ainsi que sur les îles subantarctiques que sont Campbell et Auckland Island. Contrairement à l’image répandue du manchot empereur (Aptenodytes forsteri) nichant sur la banquise en pleine hiver austral, le manchot antipode niche durant l’été, en forêt, parfois à plus d’un kilomètre de la mer. C’est durant ces déplacements, entre la mer et le nid qu’il est possible de les observer, au lever ou au coucher du soleil.

A Curio Bay, les efforts de conservation menés par le DOC ont permis le maintien d’une forêt côtière propice à la nidification. En dépit de la fréquentation touristique en hausse, quelques couples reviennent chaque année se reproduire dans cette baie.

Nous avons eu la chance d’observer ce manchot à plusieurs reprises à différents endroits : Roaring Bay, Katiki Point, Bushy Beach. Mais c’est ici, à Curio Bay que la rencontre fût la plus marquante, pas de grillage, un rocher en guise de plateforme d’observation et une ambiance hors du commun au milieu de ces arbres fossilisés, grand moment d’intimité, seuls au monde avec le petit prince du sud.

 

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