Tribulations Sauvages aux Quatre Coins du Monde
Waipapa Point à la fin août, une petite avancée de terre sur le Pacifique en plein hiver austral. Existe-t-il un meilleur cadre pour une première rencontre avec le maître de la plage ?
En effet les plages du sud de la Nouvelle-Zélande sont le refuge du lion de mer de Nouvelle-Zélande (Phocarctos hookeri), considéré comme le lion de mer le plus rare au monde avec une population de 10 000 individus environ.
Bien que l’espèce ne se reproduise que sur les îles subantarctiques que sont Campbell et Auckland islands, son retour progressif sur les plages de l’île du sud ne passe pas inaperçu. Car s’il est aisé de se laisser surprendre par une otarie assoupie sur son rocher, difficile de passer à côté d’un lion de mer sans le remarquer. On parle ici d’un pinnipède approchant les 400kg au meilleur de sa forme ! Les mâles adultes, leur fière allure, la poitrine gonflée, la tête dressée, ne peuvent inspirer que respect et humilité.
En réponse, on se fait petits devant ces pachas, et on garde nos distances. Gare à ceux qui auraient l’audace de s’aventurer trop près de l’animal, les lions de mer en imposent et n’hésitent pas à réprimander les curieux d’un ronflement rauque et menaçant, souvent accompagné d’un mouvement de tête révélateur.
Mais comme toujours, nous avons notre botte secrète, nous savons nous faire oublier. C’est alors que se révèle leur véritable nature. Étant donné qu’ils ne se reproduisent pas sur le continent, les lions de mer présents sur ces plages sont ici dans un unique but : se reposer. La sieste est donc leur activité numéro un. Allongés de tout leur long, ils se sèchent après la baignade et s’aspergent de sable.
Les groupes sont composés essentiellement de mâles, les femelles s’éloignant peu des îles où elles mettent bas. Et qui dit mâles en groupe dit chahuts et bagarres. Lorsque tout le monde dort, il y a toujours un trouble-fête pour gâcher la sieste.
S’en suivent des combats, ou plutôt des joutes. Bien qu’elles soient très ritualisées, tous les coups sont permis, y compris les coups bas tels que les morsures aux palmures.
Toutefois, on est loin de la violence des vrais combats entre mâles dominants au moment du rut qui laissent de profondes cicatrices sur le cou des aînés.
On croirait une cour de récréation, les plus jeunes chahutent dans leur coin et finissent toujours par être embêtés par un plus grand qui n’a rien trouvé de mieux à faire que de s’en prendre à plus petit que lui.
Le brouhaha qui en résulte ne manque jamais d’attirer l’attention d’un mastodonte, un vrai, et tout le monde fuit à l’approche du monstre.
Par chance son poids monumental n’est pas un avantage lors des poursuites et il est rapidement distancé par ses congénères plus sveltes.
Puis la bagarre s’arrête, aussi subitement qu’elle avait commencée, le museau dans le sable.
Contrairement aux otaries qui ne s’éloignent jamais bien loin du refuge que constitue la mer, les lions de mer n’hésitent pas à se rendre plusieurs centaines de mètres à l’intérieur des terres. Ce comportement entraîne parfois des rencontres inattendues ! Il n’est d’ailleurs pas rare que les lions de mer surprennent vaches et moutons venus brouter dans les tussocks de la côte.
Cette assurance étonnante permet une proximité déconcertante. Par ailleurs, plus d’une fois, nous avons été obligés de battre en retraite. Non pas que nous étions trop présents mais plutôt l’inverse ! A force de se faire oublier, nous faisions partie du décor.
Et lorsque les combats commencent, les lions de mer ne prêtent plus la moindre attention à ce qui les entoure ; mieux vaut ne pas se trouver en travers de leur chemin lors de leur course-poursuite, sensations garanties lorsque plusieurs centaines de kilos de phoque arrivent à pleine vitesse sur le photographe !